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Destination touristique émergente, le Bénin est un pays où foisonnent l’art et les espaces de monstration des œuvres. Mais, le secteur n’est pas structuré au point d’avoir un marché formel de l’art à la taille des grosses institutions de ventes aux enchères comme Christie’s au Royaume-Uni et Sotheby aux Etats-Unis.

Bouillon de formes, de couleurs et d’originalité. La création artistique béninoise tient sa marque de l’expression soutenue du talent des artistes plasticiens qui s’accroissent de jour en jour. Les œuvres sont créent dans des ateliers pour ensuite être montrées dans des galeries érigées de part et d’autre. En somme, on dénombre une trentaine de galerie à travers tout le Bénin dont dix-huit au moins dans la seule ville de Cotonou. Mais ce sont des initiatives privées pour accueillir, montrer au public et vendre les œuvres des artistes.

Au nombre de ces espaces de monstration des créations artistiques se compte la galerie Ludovic Fadaïro (en hommage au grand homme d’art du même nom) du centre culturel Artisttik Africa situé dans le treizième arrondissement de Cotonou. Arcade Assogba, directeur du centre explique : « Nous organisons fréquemment des expositions-vente dans la galerie. » Pour Arcade Assogba, « partout où circulent les touristes, il y a un marché de l’art plus ou moins formel qui s’anime dans les environs ».

Henriette Goussikindé, religieuse catholique et plasticienne, animatrice par ailleurs de la galerie Saint Augustin à Cotonou, partage cette idée du directeur du centre culturel Artisttik Africa. « Un marché de l’art existe au Bénin, insiste-t-elle, même si parfois il est nonchalant, vacillant. Il existe puisque des artistes vendent à des acheteurs dont des touristes. » Par contre, le plasticien Charly d’Almeida n’est pas de cet avis. Pour lui, « avant qu’il y ait marché de l’art au Bénin, il faut que l’art soit entré dans les mœurs, qu’on soit éduquer à l’art dès le bas âge. »

Prudemment, Didier Houénoudé nuance : « Il n’existe pas de marché de l’art formel au Bénin. On peut parler d’un embryon de marché qui relève de l’informel. » Didier Houénoudé est enseignant de l’histoire de l’art dans des universités et directeur de l'Institut National des Métiers d'Art, d'Archéologie et de la Culture (INMAAC). Il se fait plus analytique : « Le plasticien béninois crée principalement pour une consommation extérieure, pour des expatriés. Les prix des œuvres sont généralement fixés en fonction des bourses des expatriés. »

En fait, la scène artistique béninoise s’est construite en grande partie en marge du système étatique, s’appuyant essentiellement sur des initiatives privées. A l'inverse du Sénégal et de la Côte d'Ivoire, par exemple, le Bénin a accordé bien peu d'intérêt à la culture sous son aspect plastique. Du coup, dans la politique culturelle nationale, « les arts plastiques occupent une portion congrue », se désole l’universitaire.

Ce qui s’est confirmé déjà en 2012 lors de la biennale de l’art contemporain ‘’Regard Bénin’’. Une biennale coupée en deux par un ‘’gros malentendu’’. « Certains responsables administratifs, politiques et diplomatiques sont pointés du doigt comme acteurs et complices de cette confusion pour le moins déplorable », s’indignait à l’époque l’un des initiateurs, Ousmane Alédji, dramaturge, collectionneur et fondateur du centre culturel Artisttik Africa.

Mais, table rase a été faite du passé depuis l’arrivée d’un nouveau régime à la tête de l’Etat. Du coup, une série de réformes ont été entreprises dans le secteur. Au nombre de celles-ci, si l’on s’en tient aux déclarations du ministre de la culture, du tourisme et des sports, Oswald Homéky, il y a le projet de construction d’une galerie nationale des arts et de subvention des galeries privées.

Cependant, le ministre des affaires étrangères et de la coopération, Aurélien Agbénonci, n’a pas attendu la communication publique de son homologue de la culture avant d’ouvrir les portes de son ministère aux artistes. L’une des missions de son département ministériel est de faire rayonner le Bénin en mettant en valeur les créateurs. Ainsi, il fait organiser des expositions d’art plastique en marge des rencontres périodiques avec le corps diplomatique, suivies de journées portes ouvertes en présence des artistes pour que les diplomates puissent contempler les œuvres de plus près.

Mais en attendant la concrétisation des réformes du gouvernement, l’historien de l’art Didier Houénoudé avertit : « Il faut mettre en place toute la chaîne de la création, de la distribution et de la diffusion des œuvres d’art. Il est également extrêmement important de mettre en place des foires d’expositions, des rencontres régulières afin de doper le marché et susciter la créativité et la production. »

Fortuné SOSSA         

Cet article a été publié dans le journal de la biennale de Dakar, Dak’Art Actu 2018, du 4 mai 2018.

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