« Tout le monde commence par indexer le gouvernement, comme si le gouvernement va s’occuper de tout le monde »

Membre du conseil d’administration du fonds des arts et de la culture et promoteur du Festival international de théâtre et de musique pour personnes handicapées (Fitmhand), M. Gaston Eguédji fait partie des rares acteurs culturels au Bénin qui ambitionnent véritablement l’éclosion des artistes. Avec dextérité, méthode et stratégie, cet administrateur au fonds des arts et de la culture parvient à convaincre au regard des différents chantiers qu’il a pu réussir pour le bonheur des artistes et acteurs culturels du Bénin. A travers cet entretien qu’il nous a accordé à l’institut français de Parakou, il explique amplement l’esprit qui entoure la création de la maison de l’artiste au Bénin.

Que peut-on entendre par la Maison de l’artiste ?

Avant de répondre à votre question, permettez-moi, de vous dire que beaucoup de travaux ont été effectués avant l’élaboration de l’avant-projet de validation des statuts juridiques de la maison de l’artiste. Il était question, pour nous, de faire des recherches au plan national et international autour de la conception de la maison de l’artiste. Même la directrice de la maison de l’artiste de la France a dit ce qu’il faut faire pour réussir le projet. Quand nous avons intégré les différents apports pertinents dans les statuts juridiques de la maison de l’artiste, les gens n’avaient pas compris, malgré les explications. Quand on dit la maison de l’artiste, les gens pensent généralement qu’il s’agit du bâtiment où les artistes peuvent faire des allers-retours, comme chez eux. Je dis non ! La maison de l’artiste, c’est une institution qui a ses démembrements. Ces derniers sont prévus dans les statuts juridiques de l’institution. Même si le projet relatif à la maison de l’artiste n’est pas encore adopté, il faut reconnaitre que, cette institution va penser à l’organisation, à la gestion de la carrière et à tout ce que l’artiste va trouver de bien pour son épanouissement. Pourquoi avons-nous pensé à la maison de l’artiste ? Pour éviter la guerre des associations, la guerre des fédérations et la guerre des confédérations. Parce qu’une fois que cette structure sera établie, ce sera la maison de toutes les associations, de toutes les fédérations et de toutes les confédérations. La maison de l’artiste n’aura qu’un seul interlocuteur dans chaque discipline artistique. Il y aura un seul représentant de chaque discipline artistique au sein de l’institution à travers les membres du conseil d’administration.

Est-ce que la maison de l’artiste intervient pour siffler la fin de la récréation, en ce qui concerne, la création tous azimuts des associations, des fédérations et des confédérations dans le secteur artistique et culturel ?

Non, pas pour siffler la fin de la récréation. Mais c’est pour mieux organiser le secteur des arts et de la culture. Une manière de dire aux acteurs, si vous voulez discuter avec moi, vous ne serez pas deux, pour une même discipline. Tous ensemble pour une même discipline, il faut un. Et là, on pourra bien mener la discussion. Je pense que, c’est qu’on doit faire pour l’institution qu’est la maison de l’artiste.

Ne pensez-vous pas, qu’il serait bien de trouver un autre nom que la « Maison de l’Artiste » à l’institution, face aux différentes polémiques ?

C’est au Bénin que les gens font cette polémique à propos du nom de la maison de l’artiste. Partout, c’est la maison de l’artiste. Si on leur explique bien les choses, je crois que cela va être vraiment plus facile aux gens de l’intégrer dans leur vocabulaire. Puisque ce n’est pas une habitude, vous comprenez, que l’intégration est plus difficile. Je pense que ceux qui comprennent vont expliquer pour que les autres puissent comprendre.

Dites-nous le mécanisme mis en place pour gérer la carrière des artistes au Bénin.

Nous savons tous le projet n’est pas encore validé. De ce fait, je parle en tant en mon nom propre. Prenons l’exemple le plus récent. Il s’agit de la maladie de notre cher ami artiste, auteur, compositeur et chanteur, M. Assa Cica. Il est très connu au Bénin et même au-délà de nos frontières. Mais, il a fallu qu’il tombe malade, et tout le monde commence par crier l’Etat. Parce qu’on n’est pas parvenu entièrement à couvrir les charges liées à ses soins médicaux. Tout le monde commence par indexer le gouvernement, comme si le gouvernement va s’occuper de tout le monde. Je dis non ! Si ce dernier, quand il était en vogue, avait pensé à sa carrière, aujourd’hui, il ne serait pas entrain de quémander. On sait dans ce pays, comment tout le monde exaltait les morceaux de cet artiste. Mais qu’est-ce qu’il a fait de cette gloire là ? On a constaté que cette gloire ne lui a pas profité. Il n’a pas profité de cette gloire. Et c’est pour cela que nous disons, s’il y avait une institution qui s’occupe de la gestion de la carrière des artistes, celle-ci allait l’obliger à faire des cotisations. Du coup, quand il sera fatigué, il pourra jouir de sa retraite. C’est de ça que nous parlons. En préparant ton futur, tu dois cotiser au cours de tes moments de gloire. Si nous prenons le cas des fonctionnaires, c’est ce qu’ils cotisent qu’ils gagnent à leur retraite. Il faut dire que c’est cette maison qui va se consacrer à la gestion de la carrière des artistes. Tout sera structuré en partenariat avec le ministère de la fonction publique et du travail à travers la Caisse nationale de la sécurité sociale (Cnss). C’est ce qu’il faut faire pour que les artistes puissent jouir du fruit de leur labeur. Si certaines figures de la musique béninoise telles que Stan Tohon et Nel Oliver ne pensent pas à leur futur, alors nous allons entendre les mêmes choses quand ils seront aussi malades. Raison pour laquelle, la maison de l’artiste doit être une effectivité, afin que les artistes puissent vivre tranquillement leur retraite.

Quand on parcourt les pages du document relatif à l’avant projet de la maison des artistes, on a l’impression qu’il s’agit d’une structure qui se focalise plus sur la cotisation des artistes. Quelle est la part réservée aux opportunités pouvant permettre à l’artiste d’honorer ses obligations vis-à- vis de cette institution ?

Vous voyez, la maison de l’artiste aura un directeur. Au-dessus de lui, on aura un conseil d’administration composé des artises de chaque discipline. Ce sont les membres du conseil d’administration qui vont définir ce qu’il faut faire. Le directeur de la maison de l’artiste présente son programme mais le conseil d’administration doit l’orienter pour qu’on puisse voir ce qui est bon pour les artistes. Mais, aujourd’hui, qu’est ce qui est bon pour les artistes ? On pourra le dire. C’est au cours des échanges qu’on pourra savoir. Nous souhaiterions que l’Etat mette en place une subvention pour accompagner les activités de la maison de l’artiste. Surtout que tous les artistes ne peuvent pas être des gloires. Vous savez, ce que la culture peut apporter à une nation, on ne peut l’imaginer. Le développement par culture c’est la première porte ouverte. Si l’Etat commence par donner les ressources nécessaires à la culture, je pense que ce gouvernement va gagner la bataille du développement. C’est ce à quoi nous allons nous atteler et chaque artiste doit en être conscient. Il faut que chacun sache ce qu’il veut. Parce que, aujourd’hui, si tu gagnes ta vie, il faut penser à demain. Il y aura des conseillers à la maison de l’artiste qui feront appel aux artistes et leur expliquer, comment ils doivent faire désormais, pour qu’ils ne soient pas des laissés pour compte.  

Quels seront les termes de collaboration entre la maison de l’artiste et la caisse nationale de la sécurité sociale ?

Je l’avais mentionné à l’entame de notre entretien. Il y aura un représentant du ministère de la fonction publique et du travail dans le conseil d’administration. Si l’avant-projet est validé, il sera là surtout pour conseiller le directeur sur le cheminement à prendre pour qu’on examine comment gérer la carrière des artistes.
 
Au regard de la représentatitivté corporatiste des acteurs culturels au sein du conseil d’administration, quel sera la place des journalistes culturels ?   

Merci pour cette question. J’étais parmi l’un des rédacteurs du texte régissant l’attribution, l’organisation et le fonctionnement (AOF) du Fitheb (Festival International de Théâtre du Bénin, ndlr) en son temps. Mais, je vais vous surprendre. Quand on voulait mettre les journalistes culturels dans le conseil d’administration du Fitheb, j’étais contre. Parce que les journalistes culturels, je les prends toujours comme des acteurs culturels. Et c’est pourquoi, lors de ma première mandature au fonds des arts et de la culture (Fac), j’étais l’un des administrateurs qui a commencé par financer les projets des journalistes culturels. Puisqu’ils sont des acteurs culturels, ils doivent recevoir des financements pour la mise en oeuvre de leurs projets. Qu’ils soient dans le conseil d’administration ou non, de la maison de l’artiste, ils doivent continuer à jouer leur rôle. Pour moi, les journalistes culturels et les artistes font un. Sans vous mentir, il y a une lutte entre journalistes culturels et artistes. Aujourd’hui, cela n’a pas été facile aux artistes d’accepter les journalistes culturels. Parce que, quand on voit un journaliste culturel, on se dit, voilà ceux qui ont l’habitude de tirer sur nous. Mais, le journaliste culturel, qui critique ton oeuvre, il veut que tu sois performant. C’est ce que nous allons essayer d’expliquer aux gens, pour que la collaboration entre les artistes et journalistes culturels soit une collaboration franche. Il ne devrait pas avoir de barrière entre journalistes culturels et artistes, puisqu’on fait le même travail. Que les journalistes culturels ne disent pas, nous sommes dans un monde à part. Il faut qu’ils disent que nous sommes acteurs culturels au même titre que les artistes. Quand nous prenons les acteurs culturels, nous avons les promoteurs, les artistes et d’autres dans le secteur culturel.

Un mot pour clore cet entretien

Je vous remercie pour la démarche. Parce que j’ai toujours refusé d’aborder la question de la maison de l’artiste sans l’éffectivité des travaux de sa validation. Je pense qu’il faut commencer à en parler. Parce que les gens qui doivent y travailler sont entrain de nous oublier. Il faut continuer à en parler afin que les gens s’occupent de nous. Il est temps d’éveiller la conscience des gens, pour que la maison de l’artiste soit une réalité au Bénin.

Propos recueillis par notre contributeur Rodéric Abdon DEDEGNONHOU

- Journaliste à l’Agence Bénin Presse (ABP).

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