Mariame Darra Traoré : « Nous Comédiens, nous portons l’art »
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Entretien avec la Coordonnatrice du programme SEMIS
Comédienne, metteur en scène et directrice d’acteur, Mariame Darra Traoré a organisé, du 15 au 26 avril dernier, à l’institut français de Parakou, les travaux d’une résidence de création liée au théâtre organique, au profit des stagiaires de la deuxième promotion des ateliers vivants 1 du programme SEMIS. Coordonnatrice dudit programme, elle fait un tour d’horizon des tenants et aboutissants des travaux de cet atelier, au terme d’un spectacle de restitution.
Que peut-on retenir de la formation de cette année ?
Le programme SEMIS a pour vocation de renforcer la capacité des jeunes acteurs, auteurs et metteurs en scène. La particularité du projet est qu’il s’appuie sur le corps. Il s’agit de faire travailler le corps, d’aller dans les méandres, faire ressortir ce dont le corps est capable. Nous prenons appui sur le corps parce que le premier outil de travail de l’acteur, c’est son corps avant la voix. L’auteur, par manque d’inspiration, peut d’abord partir de ce qu’il y a autour de lui. Le metteur en scène, qui a envie de faire une mise en scène avec des acteurs à disposition, n’a pas toujours besoin d’un texte. Il peut partir juste de son imaginaire. C’est sur ces choses-là que nous travaillons. Nous travaillons pour un théâtre pauvre, qui peut se passer du texte, des moyens, pour aboutir à un travail issu des mains, du corps et de l’humain. Nous sommes aujourd’hui, le 26 avril 2019, c’est la première étape, c'est-à-dire les ateliers vivants 1 du programme SEMIS, deuxième promotion. Parce que nous avons commencé la première promotion en mai 2017 et nous avons clôturé en avril 2018 ; et nous voilà en 2019 pour entamer la deuxième promotion. Nous essayons de tenir comme on peut, surtout que les stagiaires à former sont motivés et nous donnent de la matière. Voilà ce qu’on peut retenir. Une chose particulière, pour cette année, nous avons beaucoup de femmes. Malheureusement certaines ont démissionné. Au départ, on est parti avec quinze stagiaires, 10 hommes et 5 femmes. Au bout de la première semaine, il y a trois femmes qui n’ont pas supporté le rythme. Parce qu’elles n’ont pas l’habitude de ce genre de travail. C’était très physique pour elles. Elles n’ont pas pu tenir, mais il y a trois qui sont restées. Il faut retenir que nous avons travaillé de 08 heures du matin à 18 heures de lundi à samedi avec un une heure de pose. Ce n’est pas facile. C’est physique et intense. C’est beaucoup de jeux d’acteur. C’est beaucoup d’exploration sur le corps. C’est travailler le corps, dans ses méandres, le rendre animal, le rendre objet, le mettre dans des situations d’inconfort total. Ils ont survécu pour mériter leurs attestations.
Outre cette particularité, qu’elle est la nouveauté qu’apporte la présente formation par rapport à l’année passée ?
Nous avons un curricula qu’on exécute. Le curricula est standard. Certes, il évolue selon l’évolution du théâtre. Le théâtre, aujourd’hui, ne prend plus l’appui sur du texte. Il est sur le corps. Ce n’est pas encore enseigné partout. L’autre chose, c’est qu’il y a un curricula, mais aussi, des personnes avec qui vous avez à faire. Donc, on vient avec un programme bien défini. Mais nous réadaptons le programme en fonction des jeunes que nous avons en face de nous. Parce que, leur faire du copier-coller du programme défini ne servira pas à prendre en retour leurs ressentis, comment ils réagissent, ce n’est pas intéressant. Il y a les objectifs du programme SEMIS en tête, il y a aussi le curricula à suivre. Il y a aussi à faire avec ces jeunes, avec leurs niveaux, avec leurs lacunes, avec leurs vertus, avec leurs potentialités et tout. Donc nous adaptons à chaque fois le curricula tout en restant fidèle aux objectifs du programme.
Quels sont les messages véhiculés dans votre spectacle de restitution ?
C’est la fierté d’être un comédien. J’aime bien cette question. Nous les comédiens, nous portons l’art. L’artiste ne prétend pas éduquer, mais il participe à l’éducation. C’est notre job. C’est notre responsabilité, et nous en sommes fiers. Nous sommes en train de traverser une période houleuse au Bénin. Je dirai, houleuse à notre escient. Parce que, pendant très longtemps, nous sommes restés dans la léthargie. Il faut que les choses bougent. Mais dans quel sens ? C’est ça la vraie question. Mais dans le bon sens, c’est ce que nous prions. Notre responsabilité à nous, c’est de faire prendre conscience aux gens. Vous avez entendu les femmes s’exprimer au cours de ce spectacle de restitution. On a dit tyrannie, on a dit amour, on dit amour, on a tout mélangé. Parce que c’est ça l’humain. Ce que nous véhiculons, c’est la paix. Ce que nous véhiculons, c’est l’humanité. Ce que nous véhiculons, c’est l’écoute de l’un et de l’autre. N’oublions pas que nous sommes des humains et nous avons certes le libre arbitre. N’oubliez pas que nous avons besoin des uns et des autres. C’est dans une communication commune que nous pouvons y arriver. C’est notre job. C’est ce que nous arrivons faire. Et c’est ça la particularité de ce programme. Je ne voulais pas en parler pour donner une côte politique à la chose. Mais c’est notre responsabilité de prendre en compte l’ambiance actuelle dans laquelle nous sommes pour donner notre avis. Nous avons dit ce que nous pensons. Pas en prenant partie non, mais ce que nous pensons. C’est dans une compréhension commune, l’acceptation de l’autre quel que soit son bord que nous pouvons avancer. Parce que seul nous n’avons pas raison, mais avec l’autre, on se complète. C’est aussi simple, ce que vous venez de voir tout à l’heure. Par exemple, c’est l’histoire du perroquet qui parle mais quand il a pris son coup, il a juste mis dans sa tête de ne répondre qu’à une seule personne. Parce qu’il a compris tout suite que dans ce foyer-là, il n’y a que l’homme qui prend les décisions et il a pris parti sans rien dire à personne.
Yves Barray disait que cette restitution n’est qu’une partie de l’iceberg. Alors qu’avez-vous à dire sur l’ensemble du spectacle ?
Nous fonctionnons un peu plus chaque jour. Là, c’est le premier niveau de la deuxième promotion. Le deuxième niveau sera plus élevé dans la deuxième quinzaine du mois d’octobre 2019 et le troisième niveau dans la deuxième quinzaine du mois d’avril 2020. Nous allons par escaliers. Nous venons de parcourir 5 marches. En octobre prochain, nous ferons 10 marches et en avril 2020, nous allons parcourir 25 marches. Nous aurons la chance d’accueillir deux pédagogues, un Belge et un espagnol. Non seulement, c’est des formateurs mais aussi des pédagogues, parce qu’il faut pouvoir avoir la capacité d’adapter la formation aux réalités du pays.
Propos recueillis dans la ville de Parakou par Rodéric DEDEGNONHOU,
Journaliste à l’Agence Bénin Presse (ABP).
Contributeur de ARTISTTIK AFRICA.COM