Rafiy Okefolahan est un artiste peintre et performeur troubadour qui s’expose à Paris, Hong-kong, Bruxelles, Londres, Kampala et Dakar. Son génie pictural, l’art de noyer dans la terre chaude les maux de la société humaine. Son travail est mouvement, battement de cœur, dominance de couleurs primaires. Son actualité : encagoulé et perché sur un vieux vélo retapé, muni d’un panier entre deux âges, il arpente, au rythme de la musique, les pavés, l’asphalte et les bas-fonds de Cotonou, sa ville natale, où il recueille chez ceux qui le désirent, dans les rues, les bureaux, les maisons, les services et les marchés, un mot positif qu’il promet de confier à l’utopie afin que cela advienne. Une performance qui prolonge son exposition dénommée « Mots Magiques » en cours à La Maison rouge de Cotonou.

En cette soirée du jeudi 21 mars 2019, La Maison Rouge est le centre de Cotonou voire du Bénin. Ce soir, ce lieu de repos et d’exposition d’art situé derrière les hauts murs bourgeois d’un quartier fermé de la plus importante métropole béninoise, rassemble exceptionnellement plusieurs grands artistes du pays, les anciens comme les jeunes pousses. Romuald Hazoumè, Tchif, Charly D’Almeida, Simplice Ahouansou, Laudamus Segbo, Makef, etc. sont venus soutenir et apprécier le travail de Rafiy, le jeune frère, l’ami et le collègue qui fait un retour tout en couleur au pays natal. Pour ce dernier, La Maison rouge est une appellation qui interpelle, qui fait penser à une révolution sociale d’inspiration marxiste et hégélienne. Ce sera juste pour la référence, car le pays s’y est déjà essayé sans pouvoir réussir à se sortir d’affaire, loin des préceptes de ces penseurs d’un autre âge, d’une autre phénoménologie.

Ousmane Alédji, l’écrivain et metteur en scène de même que certains jeunes cinéastes sont également présents pour se nourrir l’esprit de créations visuelles contemporaines émanant d’un artiste qui monte au fil des ans, de ses périples et de ses projets. S’y ajoute, le nombre relativement important d’invités et d’amateurs d’art tant européens qu’africains sillonnant les divers espaces où fleurit une vingtaine d’œuvres - peintures, sculptures et installations - toutes réalisées dans le nouvel atelier de Rafiy sis à Porto-Novo, la capitale du Bénin.


Tout ce beau monde qui attend patiemment de vivre le concept de « Mots magiques » propagé par l’artiste dans son invitation essentiellement numérique, est accueilli sans protocole particulier. En attendant, les titres des œuvres donnent de vraies-fausses pistes : Agban non (le porteur de charges), Iyalodé (le retour de la vielle, la mère), Le rapace purificateur, Méditation, Ovni… Un festival de couleurs vives, de laves et d’ombres. Rafiy pose posément ses pas dans la lignée des maîtres coloristes de l’histoire de la peinture contemporaine. L’originalité dans sa mise en espace du jour : Un peu de sacré (lié au culte des ancêtres) dans une vision tendre projetée à partir d’une réflexion réflexive (réfléchir sur ses propres capacités à penser) de l’individu et sa perception du collectif, de l’humanité.

Au milieu de la petite cohue, l’artiste qui jusque-là se contentait d’accueillir ses invités, lui qui donnait de longues interviews face caméras, enleva délicatement son costard, se débarrassa de son pantalon, de sa paire de chaussures. Là, devant le public, il se renouvelle, s’habille, se réincarne en burlesque, saltimbanque du cirque de la vie, théâtreux sur une planche qui mime. Il ne parle plus. On lui amène un masque à gaz qu’il pose sur sa cagoule digne d’un pilote d’aéronef. Puis, on lui ramène un vélo dont une monture aménagée à l’avant soutient un panier peint de bouse de vache et dont la paroi externe est superposée de chaux et d’une bande de peinture bleue. Il actionne un bouton caché au niveau de sa poitrine, une guirlande de lumière éclaire le dos de sa longue chemise qui s’étend. Le vélo est équipé d’un woofer qui distille la musique, une ritournelle, « Clandestin, je suis clandestin ».


Comme il l’avait expliqué au public avant le début de la performance, chacun inscrit un mot magique (« qui pourra le faire changer lui personnellement ou le pays ou le monde, en tous cas un mot positif dont on a besoin pour aller de l’avant.»), sur un carton qu’il a récupéré dans son panier interlope, avant de prendre congé de l’assistance. «L’artiste s’en va. La performance se poursuit en ville. Bonne soirée. », a annoncé l’artiste togolais Kikoko qui a fait le déplacement de Milan pour venir soutenir le jeune-homme qu’il prit sous ses ailes, il y a plus de dix ans, alors qu’il résidait et travaillait lui-même à Cotonou. Le public applaudit.


Dehors, dans la nuit noire de Cotonou, Rafiy s’est mis à pédaler. Le passant en tenue de carnaval d’un rouge sang fend l’obscurité. C’est un facteur atypique, porteur de lettres magiques (Amour, Fraternité, Paix, Alafia,…Sexe, etc.) avec plein d’étoiles dans le dos. Où finira donc entre ciel, terre et rives ce messager baroque qui chevauche le vent ?

 Arcade ASSOGBA

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